H6-N1

C’était un nouveau virus. Virulent, pathogène, mortel. Il se propageait par contact et voie aérienne. On allait devoir porter des masques à nouveau. Nous étions résignés, confinement. Les cloches sous cloche.

Cette fois ci, c’était différent. Je connaissais le patient zéro puisque c’était moi. J’allais être le seul responsable de la lente agonie à venir. Le monde nous échappait, il filait entre nos doigts, comme du sable.

Tout était de ma faute, je voulais mourir. Mais la mort ne venait pas.
J’étais en sursis. Je cherchais des regards autour de moi, je pensais à me cacher sous terre à l’abris de la vérité, préférer le mensonge. Comme une mère qui dirait à son enfant tout va bien, tout va bien.
j’avais pressenti que la soupe engloutie dans le bouiboui craspec était infectée. Bien que délicieuse sur le moment j’avais dégobillé les nouilles et le virus avait muté en moi.
En faisant la bise à un prof de la faculté que j’aimais bien elle allait elle même le transmettre à son tour en faisant la bise à d’autres. J’averti tous organisme de santé que c’était moi, la source du problème, le patient zéro, personne ne me croyait. Je voyais les gens autour de moi tomber les uns après les autres bientôt je serai le dernier les premiers seront les derniers. Au loin. Le soleil allait se coucher, je devais chercher un lieu calme loin pour dormir passer la nuit, loin des odeurs pestilentielles des chairs en décomposition, proche d’une source d’eau de roche, d’eau claire, la vue de l’eau qui s’écoulait allait me réconforter, m’apaiser.

On avait peur de son prochain, on ne se parlait plus on essayais de communiquer par signes, par regards. Mais là aussi c'était devenu désagréable, bizarre.

On ne se croissit plus on s’évitait. Avions nous encore des choses à nous dire de toutes façons ?

Des chercheurs avaient imaginé des bandeaux qui affichent des emojis sur le front comme des petites diodes, des lucioles dans la nuit. On pouvait faire défiler des textes mais c’était filtré par des serveurs pour éviter toute forme de contestation. LOL.

On avait divisé les gens en 2 catégories les oisifs et les sportifs.
Universal Paramount Plus diffusait du mass media en continu. Les oisifs se gavaient à grandes pelletées. C’était pas bon les navets ultra-transformés mais ça occupait l’esprit. Ça évitait de penser à la mort.
Les sportifs quand à eux évoluaient dans des espaces réservés. Dopés aux endorphines cherchant la performance et le dépassement de soi. Eux non plus ne pensaient pas à la mort.
Il y avait une troisième catégorie, on le percevait entre les lignes des discours et des messages. Des gens libres de circuler, de se retrouver, de rire, de partager des Apérols.

Je n’avais pas vu ça tout de suite, pourtant ils remplissaient nos écrans avec des messages lénifiants, rassurants. Nos dirigeants prenaient des avions, allaient où bon leur semble, s’agitaient librement, brassaient l’air pour faire du vent. Pour rien. Ça me pénétrait le cerveau comme par un éclair de lucidité. C’était évident. La tyrannie et les lois ils les appliquaient aux autres. Bien facile. Et ils y prennent goût. On vous prive de liberté par un claquement de doigts ! Mais pour la plèbe, les miséreux, les allocataires loqueteux. Les salauds ils nous la font à l’envers et aux yeux de tous.

Le coup d’après plus besoin de raisons de virus pour enfermer les gens. On en inventerait des faux, des imaginaires. Des couronnés et des sans couronnes. On distillait la peur quotidiennement par petites doses homéopathiques. La peur était palpable, l’irritabilité et la violence exacerbée par le système lui même entretenant un climat de méfiance.

Nous n’avions plus le droit de quitter nos appartement, immeubles, maisons. Ceux qui tentaient de sortir étaient abattus par les milices de protection. C’était pour le bien, la protection de tous.
Les gens mourraient chez eux. Le virus s’infiltrait partout. Pourtant je ne mourais pas. J’étais condamné à subir la souffrance des autres.
J’avais survécu à tant de choses, que j’attendais impatient. J’en avais assez de subir je voulais que tout cesse.
Je regardais le couteau comme une poule. La poule mouillée c’était moi. Comment faire preuve à la fois de courage et de lâcheté ? J’étais devenu aussi froid que le métal de la lame. Plus froid encore, glacé.

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