Dans le wagon un homme d’affaires. Il transpire. Cliquetis incessants sur des grilles Excel. Il a un Thinkpad. Il n’est plus commercialisé par IBM mais ils ont conservé le petit bitoniau rouge rugueux, une protubérance tactile bien utile. Quand ça ne cliquètes plus, ça titille. Il se lèche la commissure des lèvres l’air satisfait. Il a du faire son chiffre. Sa langue est blanchâtre.
Il lève les yeux de temps en temps, me regarde sans me voir.
Je me retrouve chez lui, je ne sais pas comment. Il a du me parler, m’inviter, j’ai du accepter, je n’en ai pas le souvenir. Un intérieur froid en marbre, des lustres, des grands vases en porcelaine blanche qui n’ont d’intérêt que leurs tailles démesurées, amphores contenant je ne sais quoi. Tout est blanc, aveuglant, tout est lisse sans aspérités pour accrocher le regard.
- J’ai pensé que vous aimeriez voir ceci.
Il me tends un vieil appareil photo à soufflet. « Il appartenait à mon grand-père, je ne l’utilise plus. Il est à vous ». Le déclencheur est rouge comme le TrackPoint de son Thinkpad. J’arme l’obturateur, je déclenche, Il fonctionne.
« On ne trouve plus de pellicules pour ce format aujourd’hui. Il faudrait que je découpe de la pellicule en chambre noire pour pouvoir m’en servir ».
« Oui c’est fort dommage. Il en va ainsi pour tout. Tout finit par disparaitre. Gardez-le tout de même en souvenir ».
