Caïman et glutamate

Un repas, plein d’inconnus, plein de plats différents.
Un appartement grand, mal fichu. Le salon en dénivelé, tout semble rouler vers un coté. Un coin sombre. Un marécage au fond, des choses bougent dedans.
Je ne connais pas grand monde, ceux que je connais finissent par se diluer dans le nombre.
Je ne comprends pas ce que mes voisins racontent, ou ça ne m’intéresse pas ou peut-être ce n’est pas ma langue. Je ne dis rien. J’observe.
Une personne arrive en agitant un sac en plastique plein à craquer. — J’amène du chop suey, ouais !
— ouais ! Répondent ses amis en cœur.
Il doit s’agir d’une blague d’étudiants en école de commerce.
Ils ouvrent les barquettes beige en polystyrène expansé, la mélasse se répand dans les assiettes en carton, elles fléchissent par le poids. Ils ingurgitent la gelée brunâtre glutamatée. Ne m’en proposent pas. Quelque chose sort du marécage. Blanc, livide. Yeux vitreux jaunes vifs du prédateur. Attiré par l’odeur de nourriture, Il chasse.
Un caïman blanc, une apparition fantomatique, Il est bien réel, il va vite.
— Attention bordel de merde, planquez-vous ! Hurle un étudiant. Je n’ai pas le temps de me dégager, le reptile accroche ma chaussure de sa mâchoire puissante.
— Aidez-moi ! Soudain il n’y a plus personne dans la pièce. Je sens la morsure, puis plus rien.

← Texte Précédent     Texte Suivant →