Un couple cache un carnet derrière les tuyaux d’une chaudière.
Un petit carnet. Il contient les clés de l’énigme.
Dans un moment où le couple s’active ailleurs, je me saisis du carnet pour essayer de comprendre pour plus tard. Comprendre ce qui se passe, ce qui les perturbe. Sous les apparences ils se déchirent. C’est une sorte de correspondance. Chacun emprunte le carnet à tour de rôle et consigne ce qui lui passe par la tête. Il est replacé ensuite derrière le tuyaux, calé, il y a deux tuyaux l’un pour l’eau froide et l’autre pour l’eau chaude. Quand on passe la main on sent le froid et le chaud.
Dans le carnet il y a parfois des questions et des réponses. Un terrain d’apaisement où le couple semble trouver une respiration entre deux événements de leur vie.
Je pressens que l’un deux va mourrir, que lors de l’enquête les réponses seront consignées dans le carnet. Je me sens mal, d’avoir pris le carnet car j’ai peur de ce que je vais découvrir.
— C’est mal me dit une ami ce que tu as fait. Tu dois remettre le carnet. Tu ne dois pas le lire.
— Oui tu as raison, je dois le remettre mais quel est le moment ? Ils se seront déjà aperçu de sa disparition.
J’ouvre le carnet, je le montre à mon amie.
Une photo d’un tableau de Matisse et un paysage en vis à vis. Quelques phrases manuscrites en guise de légende : c’est lent Matisse, beaucoup trop lent, ça s’enchaîne trop lentement, les couleurs stagnent, ça ne bouge pas assez.
Je referme le carnet. J’ai une sensation poisseuse, lourde qui m’empêche de me lever. Je ralenti la prononciation des mots dans ma tête. Matisse s’allonge devient ma, tisse puis ma, ti, s, se c’est une lente expiration. La couleur est stagnante, saignante comme une blessure.
