Expo et motocross

C’est une exposition en plein air.
Sur le terrain de Stéphane.

— tu vis toujours retiré du monde ?
— Oui.
— Ça me fait plaisir de te revoir, tu as maigri.
— Je mange peu, tu as vu l’expo ?
— Non mais je vais y aller, je voulais te saluer avant.

Je regarde les pièces dans la pièce.
Un couple s’avance, ils sont vieux et nus sous la ceinture.
Je fais mine de pas le remarquer.
Leurs sexes sont glabres, leurs jambes sont parcourues de varices. Bleu et pourpre sombre couleurs mortifères. J’ai envie de leur faire remarquer leur indécence. Je m’abstiens.
— Vous connaissez le travail de Lise ? C’est fantastique, quelle personne remarquable, vous ne trouvez pas ?
— Je ne la connais pas. Je ne connais pas grand monde.

Des formes ovoïdes cerclées de métal challengent le ciel. On dirait des montres molles mais dures. On voit des reflets qui se mêlent à la réalité. Des miroirs reflétant le monde. On se regarde sans prendre conscience de l’autre dans une forme de mépris. Un aveuglement comme un mécanisme d’auto protection.

Le couple me suggère de voir la suite de l’expo dans une autre partie du terrain.

la suite est au delà du monticule, au delà de la piste de motocross, faites attention aux motos.

Je retrouve Stéphane au pied de la colline, étendu, songeur.

— Je fais ça, les expos, je me sens seul, je croise des gens, ils repartent. Tu bois un coup ? Il me tends un gobelet de cidre.
— Je croyais que tu ne buvais plus ?
— Je rêve de trouver un passage, il y a une zone marécageuse peuplée d’oiseaux extraordinaires. J’ai envie de passer le reste de ma vie à les étudier, apprendre à reconnaitre leurs chants. Si je trouve ce passage, cela m’ouvrirait les portes d’un nouveau monde. Je préfère les oiseaux aux humains qui sont enchainés, trop pesants pour voler et être libres. Nous sommes le chaînon absurde de l’évolution et nous nous prenons pour les maîtres de monde. Nous ne devrions pas exister.

Un bruit de motos qui pétaradent, leurs formes en l’air en contre jour, elles décollent du sommet de la butte. Nous suivons leurs ellipses, nous anticipons la fin de la trajectoire.

— Attention !

Stéphane me pousse sur le coté, la roue arrière de la moto atterri à quelques centimètres de nous en nous aspergeant de boue. La deuxième moto nous évite aussi de justesse.

— Je loue une partie du terrain pour les cross du week-end. Ça me paye l’eau et l’électricité.
— Ça ne te ressemble pas.
— Il faut savoir faire des compromis.

L’exposition se termine dans une autre salle délabrée. Sans toiture. Des formes abstraites, des fleurs aussi.
Dans une dernière pièce, le vieux couple est entrain de faire l’amour.
Leurs peaux flétries et pales bougent dans un mouvement de ressac.

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